Interview de Christian Mazzuchini (Jésus de Marseille)

Autour d'un verre, les langues se délient...
C'est bien connu !
Alors comme j'ai eu l'occasion de partager quelques repas avec l'acteur, je vous livre, en exclusivité pour « Cau'streberthe », l'interview exclusive de Christian Mazzuchini, l'acteur de Jésus de Marseille :

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Quelle est l’histoire de Jésus de Marseille ?

Christian Mazzuchini : A vrai dire, c’est une coupe transversale de la vie d’un type, d’un mec qui se prend pour Jésus, le problème, c’est qu’il est réellement Jésus… mais de Marseille !

Valletti s’est librement inspiré de l’évangile selon saint Matthieu pour monter cette histoire. Moi, je lui avais imposé le titre : « Jésus de Marseille » car ça me plaisait énormément, je ne savais pas du tout ce qu’il allait écrire. Donc il est parti comme ça, il réinvente l’histoire de Jésus, c’est pour ça qu’il s’est inspiré de l’évangile selon saint Matthieu, mais je dirais que ça n’est pas un pastiche de la vie de Jésus, c’est effectivement la vie de Jésus, c’est un mec, un tchatcheur qui raconte des histoires, on sais pas si c’est un acteur, on ne sait pas qui est ce mec, à un moment donné il raconte une histoire, il parle de la bonne mère à Marseille et il dit : « Dans les bras de la bonne mère, qui c’est ? et bien c’est moi ! » et à partir du moment où il a dit « c’est moi », il est obligé de devenir l’histoire, il est obligé de devenir Jésus de Marseille, pour pouvoir continuer, c’est un peu comme les gens qui exagèrent trop, ils mentent, il faut devenir le mensonge, il faut aller encore plus loin pour pouvoir s’en sortir. Il est un peu comme ça voilà, c’est accident en fait, mais c’était surtout l’occasion et l’envie avec Serge de parler de Marseille et d’éviter un peu tous les clichés, les poncifs, d’avoir une vision un peu loufoque de Marseille et puis moi, c’est cette histoire m’a toujours intéressé, on la connaît tous cette histoire, on l’a tous plus ou moins subit en tout cas, et ça reste toujours quelque chose de fascinant. Il aurait pu effectivement être à Marseille, Jésus, puisqu’on a quand même eu Marie-Salomé, Sarah et Marie-Madeleine, qui ont débarqué en Camargue et Jésus, il aurait pu être là, enfin on se demande même s’il n’y a pas été, il est pas mort à Marseille, mais c’est vrai que cette histoire aurait pu effectivement se passer à Marseille et j’aime beaucoup ça… car c’est quand même assez respectueux de cette aventure là, c’est aussi une façon de parler des gens qui veulent aider les autres c’est difficile maintenant tout devient difficile, la fraternité devient difficile…

Tu as joué ailleurs qu’en Normandie ?

Christian Mazzuchini : La création s’est faite à Fécamp au théâtre du passage, on a fait 3 jours et après on a fait une tournée en Normandie dans le cadre du festival automne en Normandie. On est allé à Saint-Valery Eu, Pont-Audemer, puis, on va jouer le 27 novembre à Maromme et le 29 novembre à Barentin et après on repart vers le sud et il y a 50 dates déjà de prévu, donc on va voyager pas mal…

Pourquoi prends-tu des amateurs dans ton spectacle ?

Christian Mazzuchini : C’est une volonté farouche d’avoir avec moi des gens des villes où je passe, dans mes spectacles. Parce que ça me permet d’être en phase avec la ville elle-même, enfin dans les villes où je passe.
Pourquoi c’est arrivé cette envie là ? Je faisais des gros truc dans les gros spectacles, je tournais beaucoup, il y avait plein de dates, il y avait plein de choses, comme on avait du monde, on était bien payé, mais, j’avais l’impression de faire du théâtre en pantoufle, j’avais l’impression de devenir un peu un fonctionnaire, on était trop pépère, on se préoccupait à peine de ce qu’on faisait. Dans toutes ces villes que je traverse, je ne connais personne, absolument personne ! je peux dire, « oui je suis allé à tel endroit » mais je ne connais personne. Ça m’énervait au plus au point cette histoire. Je me suis dit qu’il faut que je puisse créer une aventure où je puisse rencontrer des gens dans les villes où je vais passer et en inviter certain à venir partager le plateau avec moi. Donc ça a commencé avec Serge Valletti, j’ai créé « les gens d’ici », ça permettait de se faire rencontrer les gens. 15 jours avant de jouer, je passais dans les villes, je rencontrais tous types de gens, soit qui sont dans un certain état poétique, soit en mouvement, soit qui ont des choses à dire ! Je dis toujours que j’ai une énorme chance de faire ce métier sur toutes les scènes de France ou même à l’étranger, je sais très bien pertinemment, dans toutes les villes où je passe, qu’il y a des gens qui font des choses aussi intéressantes que moi, si ce n’est plus, mais qui n’ont peut-être pas la possibilité de se faire entendre et de le montrer des artistes sans œuvre ! Alors j’ai trouvé ça bien de pouvoir ouvrir et les laisser intervenir à des moments précis, et de faire ce qu’ils savaient faire, eux. On répétait un peu, bien sûr, mais je ne retouchais pas du tout au contenu, ça toujours été politiquement correct, mais je les mettais en confiance, je ne faisais pas du tout une mise en scène, je faisais une mise en confiance avec des repaires sérieux, mais après, je me préoccupais plus de boire des coups avec eux, de parler de leurs vies, de nos vies, mais surtout, de leur enlever tout le trac qu’ils pouvaient avoir, les interventions duraient entre 10 secondes et 3 minutes, donc ça allait très vite, pour qu’ils puissent profiter au maximum du plaisir qu’ils donnent aux autres et de ne pas avoir le trac à ce moment-là, j’avais envie de partager ça avec eux. Sur « les gens d’ici » en 8 ans, il y a un peu plus de 6000 personnes qui sont intervenues dans mon spectacle partout en France, donc ça fait une grosse famille !

Pour le spectacle qui a suivit ensuite, « Psychiatrie/déconniatrie », je prenais les 10 premiers spectateurs qui rentraient dans le hall du théâtre, je les invitais en loge et je les faisais boire un petit coup aussi et après je leur expliquais ce qu’il y avait à faire, ils intervenaient dans mon spectacle à 2 petits moments, et voilà, ça se passait dans la joie et la bonne humeur. Je leur disais c’est une prise d’otage !
Pour « Jésus de Marseille », il y a déjà au départ le texte de Serge, mais il y aussi une bande dessinée qu’il a fait il y a très longtemps, qui s’appelle « les hallebardiers ». Ce sont des personnages qui font des réflexions sur le théâtre, ça fait d’ailleurs penser aux 2 vieux du muppet show, mais, j’avais envie de mettre ça, dans Jésus de Marseille. Mais avec des gens issus du théâtre amateur, de troupes amateurs, pour des gens qui auraient pu basculer et faire ce métier à un certain moment, mais qui ne l’ont pas fait pour x raisons !
On avait été invités, Serge et moi, à une rencontre de théâtre amateur, et là, j’ai entendu plein de choses, notamment des choses qui m’ont un peu frappé et déçu, le mépris entre les amateurs et les professionnels, moi je viens de là, je suis heureux de venir de là, je l’assume à fond, je le défendrai tout le temps, voilà, j’avais envie que ce soient des amateurs qui fassent ça. On peut partager le temps et l’espace, ils ne font pas ce métier-là, mais ils le jouent avec autant de passion que nous. Il y a des liens qui se sont noués entre les professionnels et les amateurs.

Tu n’as pas peur que les amateurs sabotent ton spectacle ?

Christian Mazzuchini : Absolument pas ! Ce sont des gens très respectueux et c’est vrai, je disais tout à l’heure qu’il y a un peu plus de 6000 personnes qui sont intervenues dans « les gens d’ici », la plupart n’avait rien à voir avec le théâtre, certains n’avaient même jamais mis les pieds dans un théâtre, et ça s’est tout le temps bien passé. Il n’y a jamais eu de problème parce que je ne leur ai jamais fait croire qu’ils allaient devenir, je ne sais pas quoi, ou les embarquer en tournée, ils ont parfaitement compris qu’ils pouvaient partager un moment avec moi, mais ce qui est important, c’est que ce soit des gens de la ville où je passe comme ça, ça me permet de traverser la ville, de prendre le pouls de la ville, d’aller faire des interventions à droite à gauche pour des gens, faire ce que j’appelle des tchatchades, faire entendre cette parole de Serge Valletti.
Ce qui est important aussi, c’est de savoir comment on peut faire rentrer des spectateurs nouveaux, des gens nouveaux au théâtre, car hormis ce circuit d’habitués, il en faut d’autres, et le théâtre est difficilement médiatique, ça ne passe pas à la télé, donc il y a peut-être aussi une question de responsabilité en tant qu’acteur de savoir comment on peut faire venir d’autres gens.
C’est super d’avoir des gens qui nous accueillent et qui achètent nos spectacles, mais ils ne peuvent pas tout faire ! Ils font leur pub, etc., mais si il manque des gens dans la salle, il faut savoir comment aller les chercher, pour moi j’ai trouvé ce moyen là, d’aller chercher d’autres gens, de proposer d’autres choses et peut-être de susciter leurs envies, qu’ils viennent voir ce spectacle dans le théâtre de leur ville parce que c’est fait pour eux mais il faut qu’ils le sachent que c’est fait pour eux ! Il faut donc qu’il y ait une démarche aussi et s’ils ne la font pas, peut-être qu’il faut la provoquer !

Christian je te remercie…

Commentaires

1. Le mercredi 13 août 2008, 11:18 par valérie R

Christian est un clown-poète, il est dans la proximité et en même temps loin dans les nuages. Il manie avec succès utopie et réalité. En fait c'est un prestidigitateur mais ne le dites à personne ...

Cordialement